Série érosion côtière #3 : mieux comprendre le risque d'érosion et ses implications
Publié sur la page LinkedIn du Generali Climate Lab le 23 mars 2023
Comme nous l’avons vu précédemment, l’élévation du niveau des mers induite par le réchauffement climatique est désormais inévitable (GIEC) et expose davantage les territoires aux risques de submersion marine et d’érosion côtière qu’ils ne l’étaient auparavant.
Pour limiter du recul du trait de côte, l’Etat accompagné du CEREMA, et du Bureau des Recherches Géologiques et Minières (BRGM), incitent les territoires à s’adapter au changement climatique. Les maîtres mots sont l’anticipation et l’adaptation. En effet, le 6 avril 2022, le gouvernement Français a publié une liste de 126 communes incitées à aménager en priorité leur territoire pour limiter l’érosion.
Dans cette liste, certaines communes sont équipées d’un Plan de Prévention des Risques Littoraux (PPRL) qui encadre le développement urbain dans les zones les plus exposées aux risques de submersion marine. Une cartographie du zonage réglementaire informe alors les constructeurs et les propriétaires du risque encouru sur la zone sélectionnée et fixe les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde. Les nouvelles constructions, elles, doivent tenir compte du risque et les biens déjà construits des zones réglementées se voient imposée la mise en place de protections (ex. batardeau) finançables par le Fonds Barnier (Gouvernement). Ces communes sont donc, par leur présence sur cette liste, prioritaires dans les aménagements dont elles peuvent bénéficier pour réduire l’exposition.
Les villes de cette liste qui ne disposent pas de PPRL s’engagent quant à elles à réaliser la cartographie de l’évolution du trait de côte à 30 et 100 ans. Pour les accompagner dans ce processus, le BRGM et le CEREMA ont partagé des recommandations pour l’élaboration de ces cartes locales d’exposition au recul du trait de côte.
Ce guide a pour objectif d’informer sur la mobilité du littoral et sur l’influence du changement climatique sur ce dernier, mais aussi de recommander une méthodologie de cartographie du trait de côte et des modalités pratiques (production, communication et mise à jour). Ainsi, selon le degré d’exposition au risque d’érosion sur le court terme (30 ans) ou long terme (100 ans), les constructions seront autorisées ou interdites sur les territoires étudiés. L’ordonnance précise que, dans les zones exposées d’ici 30 ans, les nouvelles constructions seront interdites, à l’exception de l’installation de services publics et de nouvelles activités économiques nécessitant la « proximité immédiate » de la mer, comme une école de surf par exemple. Les zones exposées dans 100 ans, quant à elles, demeureront constructibles mais les constructions devront être détruites lorsque la menace liée à l’érosion de la côte avancera.
Cette connaissance de l’exposition au risque d’érosion, encouragée par l’Etat, est un préalable à au choix et à la mise en œuvre d’aménagements adaptés à la situation.
Bien souvent, hélas, les projets d’adaptation reposent sur des actions court-termistes, certes efficaces, mais insuffisantes. C’est le cas par exemple du renforcement des dunes appelées in fine à être rongées par l’océan ou encore des quotas de présence et de réservation dans les zones touristiques très fréquentées comme les calanques Marseille (Sugiton et Pierres Tombées) pour ralentir l’érosion induite les activités anthropiques. Ainsi, la réponse la plus adaptée pour enrayer l’érosion réside dans la combinaison de ces projets de court-terme avec ceux de long-terme. La ville de Lacanau en est une bonne illustration car elle réalise chaque année des travaux pour rehausser d’au moins 1,5mètres les digues de protection en raison de l’érosion côtière (France Info). A cela s’ajoute le projet « Ville Océane 2050 » piloté par le GIP Littoral (Groupement d’intérêt public en Nouvelle Aquitaine) qui s’inscrit dans une démarche d’aménagement durable de la station (ADS). Les principaux volets d’action de ce projet à 12 millions d’euros portent sur la mobilité et la requalification du front de mer. Une attention particulière est accordée aux mobilités douces (privilégier les modes de transports écoresponsables comme le vélo, la marche…) avec la mise en place de limitation de vitesse à 30km/h, ou encore la reconversion des parkings du front de mer. Le projet prévoit aussi une renaturation de certaines parties du littoral via la plantation d’arbres, d’arbustes et d’espaces enherbés qui favorisent à la fois la biodiversité, luttent contre le réchauffement climatique en captant le CO2, et maintiennent la dune face à l’érosion. Une relocalisation des équipements communaux exposés est aussi prévue pour laisser place à la végétalisation.
La végétalisation de la ville océane - Lacanau (Ville de Lacanau).
Toutefois, pour l’heure, la relocalisation des commerces et des habitations vers l’intérieur des terres demeure une solution peu usitée par les acteurs publics, du fait du coût économique très élevé de ce genre de mesures de surcoût impopulaires aux yeux des contribuables, attachés à leurs biens.
L’ordonnance du 6 avril 2022, à l’origine de la liste des 126 communes ciblées comme prioritaires sur la réduction du risque littoral et qui complète la loi Climat et Résilience, est donc porteuse d’espoir pour la mise en œuvre concrète de projets de recomposition littorale dans un futur proche. Si la tendance des communes est plutôt, à ce jour, d’engager des actions volontaires de gestion locale des risques côtiers, l’accompagnement proposé par les services de l’Etat devrait ainsi impulser une stratégie de protection et d’adaptation pour laquelle une cartographie du risque et la question de la prise en charge financière constituent un préalable.
L’érosion est un phénomène complexe de perte de matériaux littoraux, conséquence de l’action de dynamiques naturelles. Les activités anthropiques, fortement implantées sur la basse comme la haute côte, ont fragilisé les espaces exposés. Le changement climatique – responsable de l’élévation du niveau des mers et des océans – vient s’ajouter à la liste des facteurs d’accélération de l’érosion qui préoccupe aussi bien les individus, assurés, que les assureurs tant sa prise en charge est réduite aux effets les plus tangibles du recul du trait de côte et les enjeux économiques majeurs.
La France, avec ses quatre façades maritimes et ses territoires ultra-marins, est un des pays européens les plus concernés par le recul du trait de côte : la mer monte et le littoral français change de visage. L’anticipation et l’adaptation face aux conséquences du réchauffement climatique font partie de la solution mais représentent un réel défi tant elles dépendent de démarches proactives.
Fixer le trait de côte ou reculer ? Nous sommes témoins du développement progressif de projets à court terme (rehaussement de digues) et long terme (renaturation, mobilités douces…) pour limiter l’impact de l’érosion côtière sur nos territoires.
Aujourd’hui, la majorité des projets sur le long terme sont encore à l’étude mais nous devrions voir émerger des recompositions littorales ces prochaines années. La meilleure solution restant de combiner les actions sur le court et le long terme pour lutter contre l’érosion des côtes françaises.