Série "érosion côtière" #2 : mieux comprendre le risque d'érosion et ses implications
Publié sur la page LinkedIn du Generali Climate Lab le 22 mars 2023
Comme nous l’avons vu la semaine dernière, l’érosion côtière désigne une perte de matériaux, sous l’action de dynamiques naturelles, qui peut se manifester par des décrochements de roches sur les hautes côtes ou par un mouvement des côtes sableuses (recul du trait de côte). L’érosion présente donc un risque avéré pour les assurés détenant des biens sur les littoraux susceptibles d’être détruits dans un délai plus ou moins court selon la morphologie du sol et du climat. Or, comme nous l’avons rappelé dans l’article de notre série consacrée à l’érosion la semaine dernière, ce risque est aujourd’hui amplifié par le réchauffement climatique sous l’effet de l’élévation du niveau des mers et de l’augmentation de l’intensité des phénomènes climatiques extrêmes comme les tempêtes qui exposent davantage ces territoires mobiles (GIEC).
Toutefois, l’érosion est considérée comme un phénomène prévisible en ce sens qu’elle n’est pas considérée en tant que telle comme une catastrophe naturelle dans le régime CATNAT (CCR).
Pour rappel, l’assurance des catastrophes naturelles (régime CATNAT) est financée par une extension de garantie créée en 1982 pour combler un manque de couverture des risques naturels dits « non assurables », c’est-à-dire les « dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l’intensité anormale d’un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n’ont pu empêcher leur survenance ou n’ont pu être prises » (Article L125-1, Code des Assurances). Cette assurance, obligatoire et réglementée, porte sur tous les contrats d’assurance de dommages (multirisques habitation, tous risques auto, locaux professionnels…) en dehors des contrats d’assurance des bateaux (CCR). Pour ce faire, une part fixe de la prime de chaque assuré français est destinée à alimenter le régime CATNAT, quel que soit son degré d’exposition aux risques naturels. Ce principe, basé sur la solidarité nationale, se concrétise, dans le cas de l’assurance habitation, par une surprime de 12%.
Parmi les périls pris en charge par la garantie CATNAT figurent, entre autres, les inondations (53% de la sinistralité depuis 1982), les sécheresses (retraits-gonflements des argiles), les mouvements de terrain, les séismes, les avalanches, les éruptions volcaniques, les tsunamis, les cyclones et les ouragans (vents cycloniques de vitesse supérieure à 145 km/h en moyenne sur 10 min ou 215 km/h en rafales).
En revanche, les tempêtes, tout comme la neige ou la grêle, ne sont, elles, pas couvertes par le régime CATNAT. Elles font l’objet de garanties incluses dans les contrats dommages aux biens (tempête) ou optionnelles (grêle et neige) dans le cadre contractuel de Marché.
L’érosion en tant que telle n’est donc pas prise en charge dans le régime CATNAT car le phénomène est multifactoriel, régulier et lent sauf en cas d’événement extrême qui viendrait l’amplifier et l’accélérer de manière ponctuelle. Toutefois, certaines de ses causes et conséquences, plus tangibles, le sont. C’est le cas par exemple du risque de submersion -- qui constitue une forme d’inondation -- ou encore des éboulements et des chutes de pierres/blocs liés aux mouvements de terrain. Dans le cas d’un événement majeur de ce type et consécutivement à la déclaration d’état de catastrophe naturelle sur la commune concernée, une maison victime d’un éboulement de falaise ou submergée serait donc indemnisée, alors qu’une maison sinistrée à la suite d’une tempête venue creuser le cordon le trait de côte ne le serait pas (Natura sciences).
En parallèle, le Fonds de Prévention des Risques Naturels Majeurs (FPRNM) dit Fonds Barnier, est mis en place en 1995 pour soutenir les mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs (Géorisques.gouv.fr).
Alimenté par un prélèvement de 12% sur le produit des primes de la garantie CATNAT, il peut être mobilisé par les communes couvertes par un Plan de Prévention des Risques Naturels (PPRN), pour :
Accompagner les démarches globales de prévention à l’échelle de la collectivité comme de l’individu ;
- Accompagner les démarches globales de prévention à l’échelle de la collectivité comme de l’individu ;
- Mettre en sécurité, dans le cas de mouvements de terrain, d’affaissements de terrain, d’avalanches, de crues torrentielles ou d’une submersion marine ;
- Réduire la vulnérabilité
Dans le premier cas de figure, le FPRNM permet de financer la réalisation d’études, de travaux, d’équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels, ou encore des campagnes de sensibilisation aux risques.
La mise en sécurité quant à elle s’impose en cas de menace imminente, pour faciliter la réinstallation des personnes très exposées aux risques naturels dans des zones moins exposées, mais aussi mettre en sécurité les sites libérés. Une démarche d’expropriation peut être entamée, mais en dernier recours et dans certaines situations seulement, ce qui peut justifier des mesures de relogement des personnes concernées.
Enfin, la réduction de la vulnérabilité au risque d’inondation sur des biens existants peut être financée sous conditions, autant pour des particuliers que pour de petites entreprises.
Source: https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/20121_Fonds Barnier-A4_WEB.pdf
Néanmoins, si le FPRNM a permis de financer des travaux de nombreuses démarches globales de prévention du risque de recul du trait de côte, le phénomène, très marqué, de littoralisation, demanderait à de nombreuses infrastructures littorales d’être déplacées vers l’intérieur des terres pour répondre plus amplement à ce risque.
C’est d’ailleurs ce qu’il en est ressorti du Conseil de défense écologique de 2020 : « 5000 à 50 000 habitations devraient être concernées par des relocalisations d’ici 2100 ». A l’issue de ce Conseil, le gouvernement s’est alors engagé à interdire les nouvelles constructions littorales sauf si elles sont « non pérennes et démontables » et à accompagner des relocalisations d'habitations déjà construites, ceci sans donner de détails sur les modalités de mise en place de ces mesures.
Pour l’heure, seuls les résidents du Signal, symbole de l’érosion du littoral français et du réchauffement climatique, ont pu bénéficier d’une indemnisation partielle de l’Etat à titre exceptionnel. La destruction de ce bâtiment résidentiel girondin (à Soulac-sur-Mer) alors en proie à l’érosion avait été amplifiée par le passage de la tempête Xynthia en 2010 et des tempêtes hivernales de 2014. Plus longue et plus violente que prévu, la tempête Xynthia était responsable à elle seule, d’un recul du trait de côte de 15 mètres. En effet, en 2014, la dune, transformée en falaise sableuse, menaçait de s’effondrer et a contraint les propriétaires à quitter leur logement.
Après une bataille juridique de plus de 4 ans entre les propriétaires et l’Etat pour obtenir une indemnisation, sept millions d’euros ont été débloqués et répartis entre les 78 logements (Radiofrance).
Ainsi, le risque d’érosion littorale préoccupe aussi bien les individus, assurés, que les assureurs, tant sa prise en charge est réduite aux effets les plus tangibles du recul du trait de côte et les enjeux économiques majeurs. Peut-être plus que certains risques qui appellent d’abord à une prise de conscience et des mesures de réduction de la vulnérabilité, comme le risque de tempête par exemple, le recul du trait de côte mérite souvent une réponse de plus grande ampleur comme des relocalisations, pour éviter d’être démuni, soit devant une menace visible auquel la plupart des mesures individuelles s’avéreront vaines, soit un sinistre avéré.