Les tornades en France : une menace rare mais réelle

30 juillet 2023

Publié sur la page LinkedIn du Generali Climate Lab le 30 juillet 2023

A l'occasion des évènements récents, Matthieu Lacroix répond à nos questions sur les tornades en France.

Les tornades se concentrent-elles dans une région en particulier, comme les États-Unis par exemple ?

Non, les tornades, bien que nous pensions en premier aux États-Unis, ont lieu un peu partout dans le monde, mais il est vrai que les Etats-Unis sont fortement touchés : environ 1000 tornades par an se produisent dans toute la partie centre/centre est (Tornado Alley). Ailleurs dans le monde, on retrouve le Bangladesh (très fréquemment touché mais peu étudié), l’Afrique du Sud, l’Australie, la Chine, l’Argentine/Uruguay ou encore la France, l’Angleterre, l’Italie, etc. Historiquement, c’est Jean-Charles Peltier en 1840 qui fut le premier à étudier ces phénomènes en France, suivi par Alfred Wegener en 1917 qui produisit la première climatologie des tornades en Europe.

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Matthieu Lacroix, doctorant à l'université Lyon 2.

Comment se forment les tornades ?

Par définition, les tornades sont des courants d’air tourbillonnants très puissants (le 31 mai 2013, lors de la tornade d’El Reno, des vents de 476 km/h ont été mesurés par radar Doppler). On reconnait deux types de tornades : les tornades mesocycloniques qui se forment sous des orages dits supercellulaires, de très puissants orages qui ont une durée de vie supérieure aux orages classiques – plus rare en France, et se produisant plus en été – et les tornades non mesocycloniques (Landspout) qui se forment sous des orages non supercellulaires, fréquents. Ces dernières sont moins puissantes et plus difficiles à localiser de ce fait.

Attention, les trombes marines qui sont des vortex atmosphériques formés au-dessus d’étendue d’eau plus ou moins importante ne sont pas des tornades.

Une tornade se forme lorsque des cisaillements de vents ont lieu dans le nuage qui se met dès lors à tourner pour former ce qui s’appelle un mésocyclone. Le cisaillement des vents (wind shear) correspond à deux vents de direction contraire, à des altitudes différentes, qui font tourner l’air à l’horizontal. Lorsque ce tourbillon rencontre des courants ascendants (air chaud qui monte), ce tourbillon va se redresser à la verticale et ainsi entrainer la rotation du nuage. L’air chaud et humide monte, alors que l’air froid quant à lui descend lorsque cette rotation atteint un certain point. Sous l’effet de mécanismes complexes, la rotation peut s’intensifier et finir par former un tuba. Enfin, si ce tuba entre en contact avec le sol, il devient une tornade.  Néanmoins, de récentes études émettent l’hypothèse que les tornades se formeraient de bas en haut, et non plus de haut en bas comme on pensait jusqu’alors. Le phénomène comporte donc encore de nombreuses zones d’ombre pour les spécialistes.

Quelle partie de la France métropolitaine est la plus touchée par ce phénomène ? À quel moment ?

En France métropolitaine, quasiment toutes les régions ont déjà été touchées par au moins une tornade le siècle passé. Les zones les plus touchées sont le nord de la France, l’ouest, mais également le sud, le long de la méditerranée.

Cela s’explique grâce à plusieurs points :

  • Le premier est évidemment une géographie favorable, avec notamment des zones de plaines propices à la formation d’orages, et des étendues d’eau qui apportent en humidité, favorable à la formation de ces derniers.
  • Le deuxième point important : la densité de population. Plus il y a de population, plus il y aura de recensements. Or, la population française est surtout implantée près des côtes et dans le nord… mais cela n’explique pas tout !

De manière globale, toute la France peut être touchée entre mai et août. Les variations saisonnières et spatiales présentent chacune leurs caractéristiques. Quant à la période automnale, les mois d’octobre et novembre mettent en évidence une forte augmentation sur la côte méditerranéenne. Cette période de l’année, favorable à des épisodes méditerranéens et à la formation de nombreux orages, est également caractérisée, par la formation de nombreuses trombes marines. Ces dernières, poussées par les vents du sud, continuent leurs progressions sur terre en se « transformant » en tornades.

Le réchauffement climatique a-t-il une influence sur la formation de tornades ? Augmentation ? Diminution ? Intensité ?

Il est difficile de répondre à cette question. Le problème des tornades tient à leur recensement : il faut des témoignages historisés et une base de données solide pour les analyser. S’il n’y a personne pour voir ou même pour sauvegarder ce témoignage, il n’y aura pas de recensement… donc techniquement pas de tornade pour nous. Les bases de données que nous avons souffrent de ce problème de recensement, surtout avant les années 2000.

En climatologie, on travaille sur des périodes minimales de 30 ans et on réalise une moyenne : c’est le temps que l’on considère comme minimum pour lisser des données et faire disparaitre d’éventuelles outsiders. Ces données sur 30 ans, dans le cas des tornades, ne sont pas suffisamment fiables pour pouvoir s’y référer : une très forte hausse du recensement apparait à partir du milieu des années 90, sans que cela ne soit corrélé à des évènements précis. Même aux États-Unis, pour y revenir, les chercheurs sont en possession de données plus fiables depuis les années 1950/60 et ont du mal à en tirer des tendances évolutives nettes.

Je ne sais pas si l’on peut dire, en l’état actuel, s’il y aura ou non moins de tornades en France et en Europe à l’aune du changement climatique, mais je pense qu’elles seront de plus forte intensité, pas forcément en plus grand nombre : quand les orages éclateront, l’énergie et les conditions propices à la formation de ces phénomènes seront peut-être réunies pour produire des phénomènes violents. On remarque toutefois qu’entre 1900 et 1961, il n'y a eu que 9 années avec plus de 2 tornades de fortes intensités en France, alors que depuis 1961 il y a eu 23 années.

D’après de récents articles, l’Europe serait amenée à connaitre plus d’orages dans les prochaines décennies, mais est-ce pour autant qu’il y aura plus de tornades ? C’est là tout l’enjeu de ma thèse également : comprendre comment ces phénomènes vont évoluer.

Comment s’y préparer ?

Comme tout phénomène naturel destructeur, il faut commencer par sensibiliser les personnes, surtout celles exposées au risque, avec les bons gestes à adopter.

Il faut aussi, le cas échéant, être en mesure de reconnaitre les signes avant-coureurs d’une tornade :

  • Un ciel sombre ou de couleur verte.
  • Un gros nuage sombre et bas.
  • Un entonnoir nuageux, appelé tuba : c’est une amorce de tornade !
  • De gros grêlons : plus la grêle est grosse, plus les courants ascendants dans l’orage sont puissants et à même de supporter la formation d’une tornade. Cependant, il n’y a pas toujours de la grêle !
  • Lorsque celle-ci est au sol : un grondement fort qui ressemble à celui d'un train de marchandises.
  • Un buisson de débris ou de poussière qui tourbillonne.

Mais aussi les bons gestes à adopter :

  • Ne pas filmer, ni rester près des fenêtres, ni des portes et des murs donnant sur l’extérieur.
  • Se réfugier en sous-sol ou dans une pièce sans fenêtre, au centre du bâtiment, dans une pièce sure, dans le niveau le plus bas disponible (ne pas aller à l’étage !).
  • Se réfugier dans la baignoire avec des coussins ou couvertures pour se protéger… ça a déjà sauvé la vie de beaucoup de personnes aux États-Unis.
  • Idem, il est possible de se mettre sous une table avec des vêtements et couvertures qui protège le cas échéant.
  • Si on est à l’extérieur, dans un premier temps il faut fuir le phénomène, en partant à sa perpendiculaire ou en faisant demi-tour : si on a la sensation que la tornade ne bouge pas, mais grossit, il y a de grandes chances d’être sur sa trajectoire.
  • S’allonger, en dernier recours, dans un fossé à ras de sol.
  • En voiture, s’arrêter si possible et se réfugier dans un bâtiment en dur. Il ne faut pas essayer d’aller au-devant d’une tornade : celles-ci peuvent se déplacer jusqu’à 70 km/h et au-delà ! Sinon, rester dans la voiture et essayer de se protéger autant que possible.
  • Ne pas aller se réfugier sous un pont (qui accélèrent les vents…), s’en éloigner.
  • Se protéger la tête et le cou avec les bras, s’enrouler dans des couvertures.
  • Le plus dangereux dans une tornade, ce sont les débris mortels qu’elle provoque !
  • Comme dans toute situation d’urgence, prévoir le nécessaire de survie (nourriture, radio, sifflet…)

Après la tornade : il est primordial de penser à l’après-évènement (c’est valable pour tout) :

  • Faire attention aux tessons de verre, clous et tout autre objet tranchant ou perforant.
  • Attention aux lignes électriques.
  • Ne pas rentrer dans des bâtiments endommagés sans l’aval des services de secours.