Découverte du nouveau volcan sous-marin à Mayotte : un accélérateur des actions de prévention des tsunamis
Publié sur la page LinkedIn du Generali Climate Lab le 12 mai 2023
Avec ses 826 habitants/km², Mayotte fait partie des départements français les plus densément peuplés (7ième rang) avec une croissance démographique très importante. A titre comparatif, la Réunion, également localisée dans l’océan Indien, compte 340 habitants au km². Ce développement de Mayotte engendre une pression de plus en plus forte sur l'environnement et les ressources naturelles et amplifie l'exposition et la vulnérabilité aux aléas naturels, particulièrement sur son littoral.
En mai 2018, Mayotte a connu une activité sismique inédite dont l’origine a suscité de nombreux questionnements aussi bien auprès de la population que de spécialistes. La distribution, en essaim, de ces séismes suggérait une cause volcanique. L’Etat a alors financé plusieurs projets de recherche dans le but de comprendre l’origine de cette crise sismique.
C'est la mission en mer MAYOBS1 dirigée en 2019 par des scientifiques de l’IPGP, de l’Ifremer, du CNRS et du BRGM qui a ainsi pu confirmer la formation d’un volcan sous-marin proche de Mayotte.
Ces travaux, coordonnés dans le cadre du « réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (REVOSIMA) », a permis de mieux comprendre ce volcan sous-marin désormais connu sous le nom de Fani Maoré, et les risques associés comme le risque de tsunami.
Ce volcan en activité dégage des fluides (dégazage magmatique, gaz carbonique, méthane…) dans l’océan. Cependant à la surface de l’eau, aucun signe d’activité n’est détectable. Il s’agit d’un phénomène géologique unique.
La croissance de ce volcan introduit de lourdes conséquences potentielles sur le territoire mahorais. Depuis sa découverte, l’est de Petite-Terre s’enfonce légèrement. La subsidence (affaissement) du sol enregistrée par les stations GPS de Mayotte depuis 2019 serait comprise entre 10 et 19 cm selon les emplacements (REVOSIMA). Par ailleurs, les fortes pentes du plateau récifal pourraient, en cas de séisme, provoquer d'importants glissements de terrain sous-marins et ainsi générer des tsunami. La découverte et la croissance du volcan Fani Maoré mettent donc en lumière la surexposition de Mayotte aux risques naturels sur un territoire déjà particulièrement vulnérable par ailleurs.
Quand on parle de tsunami, les premières images auxquelles on pense sont celles des évènements catastrophiques dans l’Océan Indien en 2004 et du Japon en 2011 avec de gigantesques submersions qui détruisent tout sur leurs passages. Certes, à Mayotte, l'amplitude modélisée du risque est plus modérée d'après les scénarios établis par le BRGM et l’IPGP, mais le risque reste élevé, les vagues soient-elles d'un ou de deux mètres. Pour cause, on estime que 12% des constructions littorales sont situées à moins de 5 m d’altitude. D’où l’importance d'aider la population sinon à réduire sa vulnérabilité, au moins à se préparer pour évacuer aux moindres signaux détectables.
Afin de répondre efficacement à ce besoin de protection immédiate en cas de tsunami, les géographes de l’université Paul-Valéry Montpellier 3, rattachés au LAGAM et associés à la préfecture de Mayotte, ont réalisé des plans d’évacuation et défini des sites refuges validés par les communes et le préfet.
Ainsi, 216 sites refuges ont été approuvés en octobre 2021. Ces derniers répondent à un certain nombre de critères (localisation près des habitations, entre 10 et 20 m d’altitude pour garantir la sécurité, une bonne accessibilité…), notamment pour favoriser les évacuations qui peuvent se faire à pieds. Autrement dit, plus les itinéraires jusqu'aux sites refuges sont longs, et plus la probabilité qu'un individu évacue en voiture plutôt qu'à pieds augmente, or la première option est statistiquement plus mortelle que la seconde.
Exemple d’un plan d’évacuation tsunami à Mamoudzou, Grande-Terre Mayotte (LAGAM).
Ces plans et campagnes de sensibilisation associées sont désormais devenus le support d’exercices d’évacuation.
Pour encourager les communes à pratiquer des exercices d’évacuation, les chercheurs proposent désormais d’équiper le territoire d’une signalétique adaptée (norme internationale ISO, UNESCO). Ainsi, actuellement, dans le monde, toutes les communes littorales qui s’engagent dans ces efforts* peuvent, à terme, si elles le souhaitent, obtenir une reconnaissance internationale que l’on appelle Tsunami ready [Prêts face au tsunami] délivrée par l’UNESCO. A ce titre, la commune de Deshaies en Guadeloupe vient d’obtenir cette reconnaissance le 30 juin dernier, grâce à l’accompagnement scientifique des chercheurs de Montpellier. C’est une toute première en Europe qui devrait inspirer d’autres communautés, et en premier lieu Mayotte.
Le département de Mayotte est donc très exposé aux risques naturels. Sa vulnérabilité est exacerbée par la structure socio-économique du territoire, qui nécessite d'autant plus de préparer les mahorais aux aléas. La découverte du volcan sous-marin Fani Maoré, responsable d’un affaissement de l’île et de glissements de terrains, a accéléré la sensibilisation aux risques naturels au sens large et la mise en place de plans de prévention spécifiques aux tsunamis. Si beaucoup reste à faire, et que seule un événement climatique permettra de conclure sur l'efficacité des dispositifs mis en place, on peut déjà se satisfaire du fait que si la présence de ce nouveau volcan sous-marin actif suscite de l'inquiétude, il donne aussi l'occasion de réduire, toutes choses égales par ailleurs, la vulnérabilité de la population.
Pour plus d’infos et se préparer efficacement : Projet EVACTSU-Mayotte
* Elaborer un plan de réduction des risques de tsunami, identifier et cartographier les zones à risque, élaborer des documents de sensibilisation, et d’éducation du public ; créer des cartes d’évacuation compréhensibles par tous, afficher publiquement toutes les informations utiles sur les tsunamis et réaliser des exercices d’évacuation.