Canicule marine, origine et conséquences d'une bombe à retardement

23 juillet 2023

Publié sur la page LinkedIn du Generali CLimate Lab le 23 juillet 2023

L'océan Atlantique nord n'a jamais été aussi chaud pour une mi-juillet. Les observations de la NOAA indiquent un écart à la normale [1982-2011] de près d'1,3°C pour atteindre une température moyenne de 24,5°C soit une température habituelle pour la mi-août. Si l'intensité du réchauffement océanique inquiète fortement, sa précocité est encore plus surprenante. En 2022, les écarts à la moyenne les plus importants se concentraient d'août à novembre; or ici le graphique élaboré par Climate Reanalyser (d'après les données de la NOAA) montre que la série 2023 est un ovni statistique depuis le mois de mars et le décrochage s'amplifie à l'approche du cœur de la saison estivale.  

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L'importante inertie thermique de l'océan lui permet, d'après le rapport du GIEC, d'absorber plus de 90% de l'excédent de chaleur accumulé dans le système climatique et ¼ des émissions anthropiques de CO2 chaque année. Cette inertie confère aux océans un rôle de régulateur du climat en limitant à court terme le réchauffement des eaux. Toutefois, cette même inertie promet une augmentation de température planétaire sur le long terme. De ce fait, James Hansen, climatologue en chef de la NASA jusqu'en 2013, avance que si l'on stoppait totalement et dès maintenant les émissions anthropiques de gaz à effet de serre, nous devrions tout de même nous attendre à un réchauffement asynchrone de 0,6°C.  

Ce réchauffement de l’océan sur le long terme à de fortes répercussions sur l'environnement que ce soit au niveau marin mais aussi terrestre et atmosphérique. L’écosystème marin, particulièrement sensible aux variations de température, est défini comme le témoin de la santé des océans (Maria José Juan-Jordà et al., 2022). En effet, les eaux chaudes moins chargées en oxygène génèrent une perte importante de biodiversité marine (Francisco Ramirez et al., 2017), et provoque même une prolifération d’algues parfois toxiques pouvant aggraver cette perte (Christopher J. Gobler et al., 2017). Mais un océan en surchauffe favorise aussi l’apparition de tempête estivale intense, comme la tempête Poly du 4-5 juillet 2023 qui « s’apparente davantage à une tempête hivernale » avec des rafales approchant les 140 km/h (Météo Paris). Cet excès de température, historique en 2023, rend même le Jet Stream (courant atmosphérique régissant le climat mondial) aussi « chaotique qu’un tableau de Van Gogh » (Prof Michael E. Mann, climatologue et directeur du Earth System Science Center de l'université d'État de Pennsylvanie). Ce pattern exceptionnel favorise des conditions météorologiques chaotiques au sol dans l’hémisphère nord, avec des canicules hors-norme (Kai-Qiang Deng, 2022). Il est d’ailleurs à l’origine de la canicule nord-américaine d’avril-juin 2023 et de celle du bassin méditerranéen de juillet 2023 (Science alert).