Assurance-vie et hausse des rendements des fonds euros : sachons rester lucides !

24 mars 2023

Tribune Libre d'Hugues Aubry publiée sur Les Echos.fr le 1er février 2023 et dans Les Echos le 20 février 2023

 

Chaque début d’année a droit à son rituel des publications des taux de rendement des fonds en euros des contrats d’assurance-vie. Moment important puisque les fonds euros représentent près de 75 % des encours des placements en assurance-vie, soit plus de 1 300 milliards d’euros. Or, pour la première fois depuis 2019, ces rendements repartent à la hausse. Faut-il lire dans cette remontée un retour en grâce des fonds euros ? Face à une nouvelle apparemment réjouissante pour les épargnants, sachons rester lucides. Car notre responsabilité d’assureur nous amène à répondre simplement à cette question : « attention à ne pas lâcher la proie pour l’ombre ».

Dit autrement, les taux servis par les assureurs au titre de 2022 seront certes significativement supérieurs à ceux de 2021, mais ils ne permettront pas pour autant de combler la perte nette de pouvoir d’achat face à l’inflation constatée en 2022 (+ 5,2 %). Et si la dimension structurelle de la hausse des taux est certaine, sa dimension conjoncturelle n’est pas à négliger au regard du contexte très spécifique de 2022.

La remontée spectaculaire des taux d’intérêt constatée cette année - passant de 0 % à 3 % - est pour partie liée à l’action des banques centrales pour contenir une inflation inconnue dans de nombreux pays depuis près de 40 ans ; et trouve également son origine dans la volonté des autorités financières de limiter leur bilan après les actions de relance liées à la période de Covid. Du « quoi qu’il en coûte » pour soutenir l’économie, nous sommes passés au « quoi qu’il en coûte » pour contenir la hausse des prix ! Mais ne négligeons pas le conflit ukrainien qui, outre sa dimension humaine dramatique, a provoqué un tel choc sur le marché de l’énergie qu’il est responsable en grande partie de la hausse des prix et des taux d’intérêt.

Et sur ce dernier point, les experts restent partagés. Nombreux sont ceux qui considèrent que l’ère des taux bas, voire négatifs, est bel et bien derrière nous. Mais d’autres, à l’instar du célèbre Prix Nobel d’économie Paul Krugman, affirment l’inverse. Pour ces derniers, les raisons fondamentales pour lesquelles les taux d’intérêt étaient aussi bas n’ont pas changé, voire même se sont renforcées.

Par ailleurs, notre mémoire a tendance à être sélective. Avec un taux actuel de l’OAT (Obligations Assimilables du Trésor) aux alentours de 2,6 % à 10 ans, nous ne sommes pas très loin des niveaux de fin janvier 2013 (2,30 %). Et sans être totalement investis sur des emprunts d’Etats obligataires, ces derniers représentent encore une part significative de l’allocation des assureurs. Or, au-delà des décisions tactiques, le principe d’une saine gestion des fonds euros est de porter les obligations à maturité. Ainsi, les OAT 10 ans achetées il y a 10 ans, sont aujourd’hui réinvesties à peu près au même niveau, d’où un impact limité quant à la relution des performances ! En assurance-vie, une hausse des taux est toujours une bonne nouvelle pour les épargnants et les assureurs, mais il est raisonnable de considérer qu’il existe un nécessaire temps de latence entre cette hausse et son impact sur la performance moyenne des fonds euros. Rien d’inavouable à cela puisque le temps long est ce qui fait la force du modèle de l’assurance-vie.

N’oublions pas par ailleurs que la hausse des taux entrave progressivement la capacité d’investissements des entreprises, des particuliers et des États, alors que l’urgence climatique impose à tous des transformations structurelles majeures.

Dans ce nouveau contexte, ne nous laissons pas aveugler par la hausse des taux de rendement nominaux des fonds euros : seule compte la création de valeur nette pour l’épargnant. Notre responsabilité reste la même. D’une part, avoir un discours de vérité quant aux impacts réels pour le client ; d’autre part, proposer des solutions de placement adaptées, capables de créer de la valeur au sein du contrat. C’est pourquoi il est nécessaire de poursuivre la transformation du produit d’épargne préféré des Français, en proposant des solutions diversifiées, durables et performantes, sources de financement pour l’économie réelle et utiles à la transformation environnementale.

 

Hugues Aubry

Membre du comité exécutif de Generali France, en charge du marché de l’épargne et de la gestion de patrimoine
Président de Generali Luxembourg

Communiqué lié

Expert lié